samedi 23 novembre 2013

Cattle Station - Davenport Downs

C’est au cours d’une soirée tranquille à Mount Isa après le rodéo, et après avoir répondu à un petit million d’annonce sur gumtree que j’ai reçu ce coup de téléphone : Bonjour, on veut bien de toi pour être jardinier chez nous !
Une super nouvelle après avoir erré comme un mort vivant dans cette magnifique ville (remarquez l’ironie du propos).
Le lendemain, après des adieux déchirants avec Leslie, j’embarque donc pour Davenport Downs, à environ 7h de route de Mount Isa. Heureusement pour moi je suis accompagné par Rachel qui doit se rendre là bas et qui connaît l’endroit.



Je commence donc le lendemain. Mon job est simple : entretenir le jardin. C'est-à-dire arracher les mauvaises herbes, tailler les haies, les branches, s’occuper de l’arrosage, tondre la pelouse… Rien de bien passionnant mais c’est plutôt bien payé.



L’avantage c’est que je suis le seul à avoir des horaires fixes. Je finis à 17h30 quand le reste de l’équipe finit entre 18h et 19h, parfois plus tard. Je suis également le seul à ne pas travailler les week end, ca fait plaisir mais c'est parfois un peu ennuyant.

Une rude journee de travail a Davenport


Davenport, c’est grand, très très très grand. La 3eme plus grande station d’élevage de bétail d’Australie (et accessoirement, du monde) avec 3,8 millions d’acres, soit 15 000 km2, ce qui représente une surface un peu plus grande que celle du nord pas de calais… Mais avec environ 25 habitants, et 30 000 vaches. La plus proche ville est à 3h de route (Boulia) et le facteur passé également 2 fois par semaine, et sert de taxi lorsque quelqu’un a besoin d’un lift vers ou depuis la ville. Bizarrement, les eboueurs de passent pas, les dechets sont stockes dans un immense trou a quelques kilometres de la maison puis brules une fois par an.



Pas de reception telephonique, la communication se fait par radio. Il y en a partout : dans chaque vehicule, dans la cuisine, dans l'atelier, et talkie walkie lorsque on est a cheval ou a moto. 
Ici il y a les 2 managers, Cheyne (qui sait à peu prêt tout faire et tout conduire : cheval, avion, bateau, camion, moto, engins de chantier…) et Casey, qui vivent avec leurs 2 enfants. Le head stockman est là avec sa femme et ses 2 enfants, il y a aussi une cuisinière, une institutrice pour les enfants, un pilote d’avion (normal), un conducteur d’engin (notamment une niveleuse) qui s’occupe de tracer de nouvelles routes lorsque c’est nécessaire, et 7 ou 8 ringers, ou station hands (les cow boys quoi).

La fine equipe de Davenport


Il y a beaucoup de tâches différentes dans une cattle station. Le travail avec le bétail se compose de plusieurs étapes. Tout d’abord le mustering : en moto et à cheval, souvent accompagnés d’un avion ou d’un hélicoptère, il s’agit de le repérer et de le rassembler pour ensuite l’amener dans les yards (enclos). Ensuite, le processing, qui consiste à trier les vaches dans les yards qui vont ensuite être vendues, transportées,… et les autres. On charge ensuite certaines vaches dans des camions puis les autres sont emmenées dans un endroit pour être nourries, ou tout simplement relâchées jusqu’au prochain mustering. Il leur arrive également de couper les cornes ou les testicules des jeunes taureaux pour les rendre moins agressifs.

Après quelques semaines de jardinage, on me propose de travailler dans les yards avec les autres. C’est Matt, un québécois de 29 ans qui me montre comment travailler avec le bétail. Le but du jeu c’est de peser les vaches puis de les répartir en fonction de leur poids. Les vaches sont dans des grands enclos puis amenées dans des enclos de plus en plus petits (backyards) jusqu’au « draft yard », un petit yard ou un cowboy effectue un « pré triage », en séparant les vaches qui ont besoin d’être pesées, celles qui n’en ont pas besoin (trop petites, vaches appartenant à une autre station…). Ensuite, les vaches entrent dans la « race », un couloir qui les amène à la pesée. Je travaille donc dans les backyards avec Matt, notre rôle est d’amener le bétail au fur et à mesure que les enclos se vident. C’est pas tellement difficile, sauf quand les enclos sont très grand où il faut être plus que 2, ou encore quand on tombe sur un taureau ou une vache un peu folle qui n’a qu’une idée, vous faire la peau !

Dans les backyards


Exemple typique d'une vache folle...


Et d'un veau pas si dangereux

Parfois les chiens viennent filer un coup de main, ils sont rapides et petits, donc ils ne craignent pas les coups de cornes, et peuvent passer à travers les barrières facilement.
Pour le chargement dans les camions, c’est le même principe que pour le processing, les vaches sont une nouvelle fois triées puis envoyées dans les camions. Les camions possèdent en général 3 remorques de 2 étages. On peut mettre entre 10 et 12 vaches par demi-étage ce qui fait entre 120 et 144 vaches par road train.



J’ai également participé à un « kill » avec Bones, un cowboy de passage et Sarah, une stationhand venant de Tasmanie. On ne gaspille rien, on récupère même la queue et le cœur. Ca en fait du steak sur une bête qui peut peser plus de 600 kilos !

Sarah la bouchere


Je suis aussi parti travailler avec Allan, le pilote de la station. Une fois là haut on se rend vraiment compte à quel point c’est grand, plat et désert.

Allan, le pilote et son jouet favori



Quand, par bonheur, un jour de repos arrive, tout le monde file à la rivière avoisinante pour faire un peu de ski nautique. Bon bien sur avec mon équilibre légendaire j’ai passé bien plus de temps dans l’eau que sur les skis…

Ron, le conducteur d’engin, est un amateur de vin mais malheureusement il n’y a pas grand monde avec qui il a l’occasion de partager ses bouteilles (oui, ici tout le monde préfère la bière de piètre qualité, les pauvres).  Il est donc bien heureux de voir arriver un p’tit français, et quand Matt est également là on se fait bien plaisir. Matt ne travaille pas à Davenport comme tout le monde mais à Springvale, une station intégrée à Davenport 110 km au nord. Il doit maintenant être en route pour l’Inde ou l’Asie du sud est après un séjour en Europe du Nord !


Matt, un fier quebecois


Durant le mois de septembre, toute l’équipe est partie en camp pendant environ 2 semaines pour faire du mustering et du processing à environ 100km au sud de Davenport (dans des lieux aux noms charmants tels que Merabuka ou Palparara). C’était les vacances scolaires donc Courtney (l’institutrice) est partie également. J’ai donc eu la très importante tâche de nourrir Harry, son cher veau adoré recueilli à sa naissance (4l de lait matin et soir avec un peu de paille) et les 7 autres veaux orphelins qui s’amusent à s’échapper de leur enclos de temps en temps. Pas très sympa ça parce que c’est pas évident de les remettre dedans tout seul, car ils sont sacrement costauds pour leur age.

Tous en ligne pour le lait


Lors de mon dernier mois j’ai quasiment abandonné la profession de jardinier pour celle de cuisinier-cowboy. J’ai travaillé 2 fois 10 jours de suite en camp, en cuisinant des steaks et des pommes de terre pour 10 personnes. Je faisais également du travail dans les yards, et lors des journées de mustering je restais au camp.
Au premier camp, à Kyle’s, les aménagements étaient vraiment minimes : un simple abri, cuisine au feu. Mais on a vite reçu un container avec frigo + four et plaques de cuisson. Nuit a la belle étoile dans un swag, sac de couchage avec matelas intégré. Pas de douche, la toilette se faisait dans un « dam », un espèce de grand trou d’eau (très boueux), qui servent de point d’eau pour le bétail.
La suite du camp se déroulait à Palparara, une station abandonnée mais avec un peu plus de confort (douche quand la pompe marchait, et on ne vivait pas dehors).  
C’est à Palparara que j’ai fait la connaissance de Pablo, un charmant Gowana d’environ 1m de long qui est venu me réveiller un beau matin et qui est venu me rendre une petite visite presque tous les jours !

Pablo prend la pause

Pablo aux toilettes

Pablo se protege du soleil

Pablo joue a cache cache


Et après un rude dernier mois (28 jours de travail sur 31), je reprends la route pour aller chercher Leslie a 450km de la, puis nous reprenons notre route vers Alice Springs et le centre rouge (article prochain…)

lundi 18 novembre 2013

Cattle Station - Roxborough Downs



Après 3 mois et demi passés dans ma cattle station, il est temps de vous expliquer ce que j’y faisais.

J’ai trouvé ce job de cuisinière depuis les Philippines, et j’ai commencé le 29 juillet.

Je travaillais en plein milieu de l’Australie, à Roxborough Downs dans le Queensland. La ville la plus proche, Boulia, 230 habitants, se trouvait 2h de route non bitumée.




Une cattle station est un centre d’élevage de bovins. Ici, il y a environ 10 000 vaches sur une surface de 500 000 acres, ce qui correspond à 250 000 terrains de football de 7,2km².   Comme on est au milieu du désert, il n’y a pas beaucoup de nourriture, ce qui explique pourquoi les cattle stations sont si grandes.. La cattle station est divisée en une dizaine de parcelles (paddocks) ou sont répartis les bovins.
L’équipe se composait de 8 personnes. Les managers, Bridget et Steve (45 ans), le head stockman (2nd chef), Cameron (21 ans), et 2 « station hands » (hommes à tout faire de la station), Franck et Tom, 18 ans. Il y avait également 2 autres backpackers avec qui je passait la plus grande partie de mon temps : Pete, un irlandais de 31 ans, Ingrid une Norvégienne de 21 ans et moi bien sur pour faire à manger à tout ce beau monde !
Je cuisinais donc pour 8 personnes, avec de temps en temps des extras (conducteur de camion, des amis de passage, les enfants de Steeve et Bridget...).

Je préparais :
  • Le petit dejeuner (entre 5h et 6h30) : bacon, oeufs, saucisses, spaghetti, steak, hachis.
  • Le smoko à 9h30 : des cakes et biscuits fais maison, des crepes, des pancakes...
  • Le lunch à 12h30 : essentiellement de la viande froide, des cold meats fritters et des salades de légumes ou de pates.
  • Le diner : roastbeef, cornbeef, lazagne, beef pie, steak et oeufs sur le plat, fish and chips, crumbed steak...
Petit dej australien

Mon lieu de  travail

Pour les recettes, voir l’article précédant.

Je m’occupais également du ménage (la cuisine, la chambre froide, les chambres d’amis, la salle de bain...), du potager (récolter les légumes, arracher les vieilles plantation qui ne rendaient plus...) et de l’arrosage de la pelouse.
Il fallait aussi nourrir les animaux : 15 poules et 6 canards (mon pied porte encore la trace d’une bataille mémorable contre l’un d’eux), et les cochons. Il y avait au départ 2 cochons, puis les garçons en ont attrapés d’autres, dont un qui arrive à sortir de l’enclos pour venir chercher son repas avant les autres, et il y a maintenant 10 cochons !  






Il m’arrivait de travailler avec les bovins, mais je laisse le plaisir à Jérome de vous expliquer, il a plus pratiquer cette activité que moi.

Il est temps maintenant de vous expliquer l’organisation de la cattle station. L’isolement du lieu implique pas d’arrivée d’électricité, eau ou gaz. Pas de magasins, supermarchés ou docteurs.

Pour l’électricité, nous avions un générateur qui alimentait toutes les maisons (celle des gérants, la cuisine, le quartier des garcons, le quartier des filles) et tournait au diesel.

Concernant l’eau, on récupérait l’eau de pluie (eau potable), et les sanitaires étaient alimentés par l’eau de la rivière.
 Durant mon séjour l’eau a été un réel problème, dans le sens ou la rivière se desséchait à vue d’oeil. Il a fallu rationner la pelouse et son système d’arrosage pour un arrosage intelligent de 17h à 10h contre toute la journée habituellement. L’eau de la rivière alimentait les douches et provoquait une déshydratation de la peau. Pour l’eau potable, il n’y a pas plu assez pour pouvoir garentir de l’eau potable jusqu’à la prochaine saison des pluies. Bien entendu, nous n’étions pas limités à ce sujet, mais le gaspillage était santionné. Avant mon départ, Cameron est allé chez les voisins pour chercher de l’eau potable.

L’approvisonnement alimentaire se faisait toutes les 6 semaines pour les produits non périssables (conserves, pates...). Les gérants se rendaient à Mount Isa (3h de route) avec un camion et revenaient chargés à bloc avec de pour les hommes et les animaux (cochons, poules, chevaux et bovins). Nous avions en plus d’une cuisine habituelle, une pièce de stockage d’environ 25 m2 avec des conserves en tout genre et des produits d’hygiène (corporelle et surfacique). Autant dire que l’anticipation était de rigueur. Aucun reste n’était gaché, soit ils étaient reutilisés dans les prochain repas, ou alors ils alimentaient les poules et les cochons.






Les fruits et légumes étaient livrés via le facteur depuis Mount Isa qui nous visitait tous les lundis et jeudis.
Il n’y avait pas de diversité pour la viande, c’était du boeuf, du boeuf et du boeuf... non, je suis mauvaise langue en 3 mois et demi de temps,  j’ai mangé 2 fois du poulet, 2 fois du mouton et une fois du porc. Bien entendu, le boeuf provenait de notre cattle station. Toutes deux semaines, Steve, Cameron et Tom allaient au « kill » : Steve prenait son fusil, tirait 2 à 3 balles dans la tete d’un bovin (de 500 kg environ), puis Cameron et Tom le dépeçaient, récupéraient la viande, les ribs, un morceau du gros intestin (délicieux au barbecue) et les pates pour les chiens. Il faut 1h30 à 2 personnes pour faire le travail. La viande est chargée à l’arrière d’un pick up (ute en australie) sur un tapis de branchage, puis elle est entreposée dans une chambre froide, facon boucher, pour la maturation et la consommation. La carcasse et les abats restent sur place et ravit les rapaces, les dingos (chien du bush australien) et les chats sauvages. La viande est vendue environ 1.50 dollar australien par kilo de bovin. Un bovin de 500 kg est vendu 750 dollars, soit environ 600 euros.

Depecage


Decoupage

Transport

Chose moins gaie, un accident de travail est survenu. Franck, toujours le premier à se couper, se bruler... s’est brulé une bonne partie de l’avant bras au 2eme degré, en alimentant un feu avec du pétrole. Il a du être évacué d’urgence à l’hopital. Mais lorsque l’hopital se trouve à 3h de route, il faut trouver une route plus rapide. Une idée ? Le vol d’oiseau ? Les flyings doctors (médecins volants), existent pour porter secours aux régions isolées de l’Australie. Ainsi, tout point de l’Australie est sensé être accessible en moins de 2h par les flying doctors (ça peut sembler énorme, mais vu la taille et l’isolement de ces régions c’est plutôt pas mal).  Ici, il faut 1h pour alerter l’hopital, faire venir les docteurs et repartir pour l’hôpital de Mount Isa. Ils viennent à 3 : un ambulancier pilote, un docteur et un infirmier et lorsque c’est nécessaire, ils rapatrient les blessés. Nous avions un stock de médicament que l’hôpital nous envoyait via la poste : paracetamol, antidiahretique, morphine.... Certains médicaments, bien qu’étant à disposition restaient surveillés de près par l’hopital.


En dehors des heures de travail, je profitais de la rivière pour me rafraichir, pêcher, et faire du bateau. Nous jouons au billard, au ping-pong et regardons la télé. J’ai aisni vu Taken 2, Django, Rebelle, Bilbo le Hobbit (!), Gang of New York, Brave Heart… et le tout en anglais...avec les sous-titres anglais.









Lorsque nous avions plus d’un jour de repos, il nous arrivait d’aller en ville pour passer des soirées, quelques fois alcoolisées, et dormir à la belle étoile. La dernière sortie s’était pour un cricket day. Le village de Dangi, 30 habitants dont un café qui organisait cette journée. Les cattles sations avoisinnantes formaient une équipe et un tournoi se déroulait. Avec Ingrid, nous avons rencontré des personnes très sympathiques (Cayle, Rohan, Jack, Lukas et Dan) qui travaillent dans la cattle station voisine Tobermorey, c’est à dire à 1h30 de route. Nous leur avons rendu visite lors d’un week end. Ils ont un âne et un bébé chameau tout doux qui fait ma taille. Les garcons m’ont appris à tirer à la carabine, avec une balle, j’ai eu 2 oiseaux. Je ne sais pas trop si je dois etre fière.

Missy le chameau

Durant 3 mois et demi, j’ai passé ma première semaine avec Jérome. Il m’a quitté pour trouver du boulot à Mount Isa. Je l’ai rejoint une semaine après pour le week end du rodéo, le même week-end, ou il y a trouvé son job de jardinier à Davemport (5h30 de route, 450 km de ma cattle station). Il n’a pu me rendre visite qu’une fois après 1 mois de séparation. La vie seule est parfois bien longue. Mais maintenant, après 9 semaines de séparation, les retrouvailles sont de circonstances...

Ces 3 mois et demi m’ont néanmoins appris pas mal de chose. Maintenant je sais cuisiner des fish and chips, et je sais meme inventer des nouvelles recettes, je sui passée de cuisinière à chef - spécialisation boeuf. J’ai également bien progressé en anglais, je sais gérer des conversations. J’ai appris beaucoup aussi sur les relations comportementales entre collègues d’origines différentes vivants ensemble. Cela n’a pas été facile tous les jours de ne pas parler la même langue, d’être entouré de personnes beaucoup plus jeunes que moi. Mais les relations se sont améliorées en avancant dans le temps, l’apprentissage de l’anglais aidant. Je me suis bien amusée avec Pete et Ingrid.

 Merci à mes parents, Adelaide, Edwige, Helene, Fleur, Lucie H et Florent de m’avoir si souvent téléphoné. Merci à Simon de m’avoir envoyé le fabuleux livre de Franck Thilliez ATOM[KA] que je recommande à toutes les personnes qui aiment les frissons. Et merci à tous les autres personnes pour les mails...